Storie - Histories
La renaissance du vin italien: comment Renato Ratti a révolutionné la carte des grands crus italiens. Le debut des grands vins de la botte.
Aujourd’hui, portrait d’un personnage qui a fortement caractérisé le vin italien, le catapultant au niveau mondial. Pour décrire l’homme en question, il faudrait des pages, voir une vidéo, mais nous allons tout simplement faire de la lumière sur Renato Ratti.
Renato Ratti, né en 1934 et obtient son diplôme de technicien du vin en 1953 à l’école d’Alba. Quelques années plus tard, il travaille pour la maison Cinzano, la grande industrie italienne du vermouth et du vin mousseux.
À l’époque, Cinzano est un véritable laboratoire de technologies et de recherches où de nombreux talents tells que (chimistes, ingénieurs, agronomes et des techniciens du vin) exercent. En plus d’évoluer dans le milieu de la vigne, gandir professionnellement dans un tel environnement permet une exploration du monde de la “boisson” à 360 degrés, et surtout cela permet à un homme comme Renato Ratti, qui ne venait pas d’une famille liée au vin, d’avoir une approche libre et expérimentale (il le soulignera plus tard)
Quelques temps après, Renato Ratti est transféré (rempli d’enthousiasme) au Brésil pour pouvoir assister à un projet Cinzano lié d’abord à Vermouth et par la suite à une série d’investissements importants que la maison turinoise avait réalisés dans le secteur du vin au sens pur.
À la base, son. transfert devait avoir lieu à Buenos Aires en Argentine, mais quand Ratti apprend que Cinzano plante des vignes près de Porto Allègre, il veut absolument s’adjoindre au projet brésilien.
Nous sommes au milieu des années 50′ et le Brésil venait de connaître le suicide de son dictateur et leader historique Getuio Varga. De grandes différences sociales étaient présentes et l’ouverture à de nouveaux investissements était vue comme une opportunité de renaissance. Même le Brésil n’avait pas de tradition viscérale dans la production de vin et était un laboratoire polyvalent pour les hommes curieux et ouverts d’esprit. Ces années seront la formation du caractère de Renato.
Renato Ratti, alors manager, commence à se renseigner sur la manière d’investir son pécule. Avec les conseils de nombreux amis dont Bruno Giacosa, il décide d’investir dans le vignoble. Grand amateur de vins français, notamment de Bourgogne, pour leurs liens avec le territoire et leur tradition paysanne très proche de celle du Piémont; Ratti est également admirateur des vins de Bordeaux aussi, il achète un vignoble avec un château attenant, en style bordelais. Il identifie une excellente parcelle avec la magnifique abbaye bénédictine à La Morra, l’une des communes les plus connues pour ses généreux Barolos. L’abbaye avait appartenu aux moines, qui entretenaient les vignes les années précédentes.
Une lettre à un ami datée du 10 août 1968, présente à la bouteille N.1 de la cave Ratti; les dés sont jetés.
Renato Ratti commence à répendre le Barolo au monde entier et reçoit souvent des critiques pour son désir de valoriser les vins en les vendant jusqu’à quatre fois le prix habituel.
Chercheur agité, il se met à fouiller dans les stocks de son domaine, et trouve une bouteille des années 1700, semblable à celle d’un Bourgogne, avec l’inscription «Albeisa» sur l’épaule: la bouteille traditionnelle des vins de Langa est née. Avec l’albeisa une tradition historique se consolide, Barolo et Barbaresco étaient des terres de vins précieux, car ses vins ètais mis en bouteille (même pour un petit nombre et pour quelques riches messieurs).
Puis il commence à rédiger de nombreux essais, notamment:
De la vigne et du vin dans la région d’Alba; Manuel du buveur sage; Guide des vins piémontais; connaître les vins d’Italie; Comment déguster les vins
Pour Ratti, le vin doit avoir de la dignité, il ne doit pas être produit lors des mauvaises années, et il faut valoriser mais surtout différencier les parcelles, s’inspirer des crus français donc.
Évidemment, aujourd’hui cela peut sembler évident, mais à une époque où même parler de vin en bouteille et du nom du producteur sur l’étiquette semblait avoir une vision futuriste et bourgeoise, tout le monde considérait Renato Ratti comme une personne étrange.
En 1972-1973, il entame un processus dans lequel il classe toutes les parcelles, et donc les crus de Barolo et Barbaresco. Un travail titanesque qui donnera à la postérité un immense héritage. Dans les mêmes années, il créé la carte des millèsimes de vins de Barolo et rétrograde les années 1972 et 1973, qu’il considère comme de très mauvaises années. L’anecdote dont tout le monde se souvient, c’est que Ratti a fait irruption dans le conseil d’administration du consortium des vins Barolo pour insister et demander aux vignerons de ne pas produire.
La cave Ratti commence à faire vieillir les vins, deux ans en fûts et un en bouteille, provoquant une véritable révolution que tout le monde était, tôt ou tard, obligé de suivre.
Le cru Mercenasco, dont Renato Ratti propriétaire était fier, avait des origines très anciennes. Un document de son musée dit: “le nom Mercenasco dérive de l’ancien nom du village Marcenascum, château et vignoble de l’Annunziata avec des vignobles déjà précieux du XIIème siècle” (Registrum Comunis Albem).
L’abbaye avait pris forme en 1479, année de l’installation des bénédictins.
Cette abbaye et le vignoble d’Annunziata étaient une fierté pour Ratti. En effet, il pouvait se vanter que les vins piémontais étaient aussi vieux et précieux que les vins français.
Renato Ratti travaille également dans la région d’Asti, devenant président du consortium Asti. Il réussit à rassembler (avant tout pour créer des conditions de travail dignes) industriels et paysans. Son raisonnement était logique, dans un marché, comme celui du raisin moscato, qui produisait 70 millions de bouteilles, pour la plupart exportées vers des pays «riches» il y a de la place pour tout le monde.
Dans les années 70′, il installe le musée dans son abbaye où sont exposés des outils et objets de travail de la vie paysanne à Alba.
On pourrait encore en dire beaucoup, ou parler de sa cave, de la succession de son fils Pietro, mais ce sera pour plus tard.
Nous clôturons avec un personnage très généreux qui a passé sa vie à promouvoir ce que de nombreux auteurs de publications sur le vin, anglais et américains, appelleront: la renaissance de Barolo.
Renato Ratti était une personnalité de premier ordre, l’un de ceux qui ne naissent pas tous les jours.
Je voudrais terminer par une anecdote, concernant sa période de fin de vie, en 1988, où il comprenait maintenant que son temps était compté.
Quelques jours avant de partir, il a demandé quelques raisins de Muscat à manger; l’après-midi suivant, qui précéda son décès, il demanda un fauteuil sur la terrasse de l’abbaye, s’assit pour admirer toutes les collines de Barolo, s’extasa et nous quitta la même nuit.
Giovanni Curcio
adaptation par Mathias di Lauro Sanseverino
Ci-dessous les cartes des crus, ainsi que la carte des millésimes. Source du musée Renato Ratti.